Le Château royal de Collioure accueille une exposition de peintures “Naviguer sans boussole” de l’artiste Tina KAMBANI du 21 avril au 11 juin 2023.

L’exposition est une rétrospective de l’œuvre de l’artiste peintre grecque – née à Athènes en 1962 – de 1985 jusqu’à 2023, elle se déploie salle après salle, elle révèle de manière fluide les différentes périodes, thématiques et influences de l’artiste. Dans la première salle elle a fait le choix d’exposer trois peintures annonciatrices de l’ensemble de son œuvre.

Dans le Cavalier Solitaire de 1985, les souvenirs des films et des lectures des westerns de son adolescence surgissent au cours de son cheminement solitaire à la période de ses études à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris (1980-1985). Dessin moqueur, enfantin, couleurs vives, légèreté entre abstraction et figuration. Dans ses premiers pas est palpable l’influence du mouvement artistique Cobra, dont une des figures principales, Pierre Alechinsky est son professeur aux Beaux-Arts. La technique de l’acrylique sur papier marouflé sur toile c’est Alechinsky qui la lui enseigne. Le papier craft, un papier bon marché, qu’elle peut acheter n’importe où, qu’elle peut découper n’importe comment suivant l’inspiration du moment, qu’elle peut poser par terre et tourner tout autour pour travailler, ce matériau manipulable donne une fluidité aux couleurs, une transparence au moment du marouflage, une liberté au geste. Tout cela attire l’artiste. En même temps elle fait le choix de l’acrylique. Parce que l’acrylique sèche vite, parce que l’acrylique c’est de l’eau. Elle utilise cette technique dans tous ses tableaux jusqu’à 2016.

Dans Naviguer sans boussole, un grand tableau flamboyant de 1988, de 220 x 170 cm, apparaît sa première barque, errante après l’orage, sans capitaine vers un horizon tourmenté, croquée à coups de pinceau qui virent vers l’impressionnisme. L’enfance de Tina Kampani émerge de la Méditerranée pour embarquer sur le bateau paternel, naviguer à travers les îles de la mer Égée, pêcher à la ligne, plonger son corps en apesanteur dans le bleu, sur un fond de ciel azuré que le soleil couchant embrase, la clarté du bleu clair de l’horizon passe à l’orange, au rouge vermillon, au rouge carmin avant de disparaître dans une lumière violette outremer. Un arc-en-ciel personnel qui ne cesse de revenir tout au long de son œuvre.

La troisième œuvre de la première salle, au titre ambigu Pas d’innocence de 2001, 182 x 141 cm, nous montre un petit garçon encerclé par des serpents affamés. La fragilité des enfants, garçons ou filles, victimes des prédateurs qui rôdent. Ces tableaux sont le produit d’une affliction, la marque des images d’enfants victimes, victimes d’agressions sexuelles qui faisaient la Une des actualités à l’époque, victimes aussi de la guerre fratricide, entre 1991-2001, qui a fini par désagréger devant les yeux de l’artiste la Yougoslavie, la fière voisine de la Grèce.

Devant les yeux du visiteur des salles du Château, les couleurs s’entremêlent en transparence, les traits des pinceaux sont plus ou moins agités, les thèmes plus ou moins personnels, le dessin plus ou moins figuratif. Entre 2004 et 2008 Tina Kambani répond présente à l’appel de la mer, elle suit son compagnon, chef mécanicien de la marine marchande, et ensemble ils traversent les océans. L’artiste profite de l’occasion pour s’emparer des cartes de navigation périmées. Elle les transforme en tableau.

Depuis, les bateaux et les ports ne vont plus lever l’ancre de son travail.

En revanche le 14 août 2015 elle lève l’ancre du port d’une Grèce en naufrage pour chercher refuge en terre Catalane guidée par Signac. Une odyssée à l’envers qui la mène à son Ithaque artistique, précédée sous la lumière dorée et rouge par Picasso, Matisse, Derain, Marquet … et là, Tina Kambani plonge à l’étude des couleurs des maîtres anciens, Delacroix, Le Christ à la colonne qu’elle représente à sa manière, Bonnard, la douceur du pinceau et de l’âme, Signac, les aquarelles de tous les ports de France. Son trait s’apaise, ces couleurs sentent la terre des Pyrénées-Orientales et elle ne peint que sur toile.

Enfin boussole retrouvée !